Avant d’entrer en oraison, avec le groupe Béthanie, nous chantons souvent :  « Jésus, me voici devant toi, tout simplement, dans le silence. » Oui, le silence règne alors dans la chapelle ou dans ce beau lieu autour du baptistère où nous sommes réunis. Il règne de la même manière dans mon coin de chambre où il m’arrive de faire oraison en solitaire. Un silence que les bruits extérieurs – voix dans la rue, craquement de chaise ou raclement de gorge – ne font que souligner sans réussir à le troubler.

Mais les bruits intérieurs! Toutes ces pensées envahissantes que je m’efforce de tenir éloignées et « qui reviennent battre contre les parois de mon âme », comme le dit joliment la sœur Jeanne d’Arc  dans une belle prière sur… les difficultés de la prière! Elles produisent parfois en moi un tel vacarme que je ne m’entends plus prier. Je tâche alors de trouver un subterfuge : remplacer ce discours importun par des paroles plus appropriées. Si je peine à en inventer, je n’hésite pas à les emprunter à mes psaumes préférés. Et à répéter par exemple en boucle un verset propre à restaurer le calme dans mon esprit agité : « Seigneur (…) je tiens mon âme en paix et en silence. »  Cette simple litanie réussit généralement à me remettre dans une attitude intérieure plus juste, au moins pour une ou deux minutes.

Mais la rumeur des pensées refoulées a tôt fait de s’imposer à nouveau. Vite, la remplacer par un appel à l’aide : « Je t’appelle, Seigneur, tout le jour ; je tends les mains vers toi, »  ou un cri de louange : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits. »  Cela fait toujours quelques secondes de gagnées pour la prière. Quelle lutte ! Pourtant, il arrive aussi que le silence intérieur revienne tout seul. Telle cette « voix de fin silence » dans laquelle le prophète Élie reconnaît le passage de Dieu.  Lorsque cela se produit, c’est comme un petit miracle, qui vient compenser – même brièvement – ces moments où j’ai le sentiment de me tenir, tout encombrée de moi-même, devant un rideau obstinément opaque.

Puis, en fin de compte, portée par la certitude que Dieu ne manque pas d’humour, j’ose penser qu’il est plus simple d’offrir dans ma prière les défauts mêmes qui lui font obstacle. Et de commencer mon oraison en chantant intérieurement : « Jésus, me voici devant toi, tout simplement, dans mon vacarme. » Ces rumeurs intérieures presque incessantes qu’Il sait parfois convertir, sans que je sache comment, en très précieux instants de paix et de silence.

Marie-Hélène D.