Il est une formule bien connue qu’on entend à deux reprises dans les Évangiles, si connue qu’elle paraît aller de soi. À Marie s’interrogeant sur la réalisation de l’annonce de l’ange, celui-ci affirme que « rien n’est impossible à Dieu. »¹ Aux disciples déroutés par les conditions d’entrée dans le royaume, Jésus déclare : « Pour les hommes, c’est impossible. Mais à Dieu, tout est possible »². Or, je découvre dans le dernier livre de Marie Balmary³, psychanalyste et grande exploratrice de la Bible, que cette fameuse phrase est mal traduite. « En grec, dit-elle, c’est : Auprès de Dieu, tout est possible. » Auprès de Dieu ! Quel déplacement ! Et que c’est bon à entendre ! D’un Tout-Puissant qui décide et agit seul, d’en haut pourrait-on dire, de façon autoritaire voire arbitraire, me voici face à un Dieu qui m’invite à rester « auprès de lui » pour que l’impossible devienne possible. Autrement dit, Il a besoin de ma compagnie pour agir sur moi.
Cela me paraît en effet tout à fait compatible avec le Dieu de la Genèse cherchant l’homme qui s’est caché, honteux, dans le jardin, et appelant : « Où es-tu ? » Pas vraiment la figure d’un Très-Haut omniscient et omnipotent ! Adam et Ève, trompés par le serpent, ont perdu la grâce de cet « auprès de » qui, au départ, leur était si naturelle. Et je comprends que c’est cela qu’il faut rechercher avant tout : comment demeurer « auprès de Dieu ». C’est d’ailleurs l’attitude de Marie : en acceptant entièrement la proximité divine, elle donne chair au Verbe éternel. Quant à Jésus, en constante union avec le Père, il fait voir les aveugles, bondir les estropiés et revivre les morts. Toutes choses impossibles à hauteur humaine.
Voilà. C’est à la fois très simple et très exigeant. Aussi simple et aussi exigeant que peuvent l’être la fidélité à la prière, l’écoute de la Parole et sa mise en œuvre dans l’attention fraternelle, les meilleurs outils pour établir peu à peu avec Dieu cette « relation intime d’amitié » dont parle Thérèse d’Avila. J’ai donc bien mon petit rôle à tenir dans le grand jeu de la miséricorde divine. Elle m’est accordée sans tergiverser, cette miséricorde, pour peu que je consente à m’approcher, à me tenir là, à repousser la tentation de me cacher parce que je me trouve nue, ou nulle, ou pas digne de…
Auprès de Dieu, tout est possible ? Même de faire des médiocres créatures que nous sommes si souvent des saints et des saintes selon son cœur ? Si Jésus lui-même le dit…
Marie-Hélène D.