Ça souffle fort dans ces textes bibliques que nous venons d’écouter. Dans le livre de Job, le Seigneur s’adresse à Job dans la tempête, dans la première lecture. Dans le psaume, il parle et provoque la tempête, dans l’évangile, il parle et apaise la tempête. Par sa parole, Le seigneur est bien le maître de la tempête : il la provoque, il l’habite, il l’arrête. Ainsi la parole de Dieu est une parole de grande autorité comme le comprenne les apôtres à la fin de l’évangile : Qui est-il donc celui-ci pour que même le vent et la mer lui obéisse ?

I. Petitesse

Nous pouvons nous demander si nous obéissons au Seigneur, comme le vent et la mer. Ce qui revient à se demander si vraiment nous l’écoutons, nous le prenons au sérieux. Dans mon cœur, il y a toujours cette question : Jésus, est ce que je compte sur toi vraiment dans ce que je fais ? Est-ce que vraiment je t’intègre dans ma vie comme Seigneur, comme celui qui a autorité sur la mer et le vent ? Est-ce que je vis mes difficultés en te les présentant humblement ? Tu as dis, à l’homme c’est impossible, mais à Dieu tout est possible. Est-ce qu’à cette lumière je te confie ma vie, ma journée, les personnes que je rencontre. Bref, est ce que je t’aime ? Je désire t’aimer mais j’ai bien du mal à t’aimer effectivement. Un jour que j’étais ados, un prêtre m’a dit : désirer aimer c’est déjà aimer. Cela me rassure un peu mais quand même, j’aimerais t’aimer en vérité et en acte aussi.

Les apôtres sur ce lac de Galilée ont souvent expérimenté qu’il n’y arrivait pas. Ils ont connu l’échec, n’arrivant pas à remplir leur filet. Il n’arrivait pas non plus à calmer le vent, au contraire il était balloté de toute part. Une autre fois, l’un d’entre eux, Pierre, voulut rejoindre le Seigneur en marchant sur les eaux. Des vents arrivèrent, et Pierre pris peur, peut-être le souvenir de la tempête de ce jour. Il s’enfonça dans l’eau. Echec. A chaque fois, le Seigneur est là, pour les sauver, leur donner la paix, et la fécondité. Dans leur échec, dans leur petitesse, ils ont fait l’expérience de la présence de Dieu. J’ai l’impression d’avoir vécu cela à Belleville, à travers mes faiblesses, j’ai senti que le Seigneur était quand même dans le coup. Comme le dit st Paul, si nous sommes infidèles, lui, il restera fidèle. Je le ressens pour moi. Alors Merci Seigneur !

Ce lac de Galilée est donc bien un lieu d’insécurité, réputé pour ses tempêtes violentes à cause des différences de température avec les hauteurs environnantes. Quand la tempête se leva, Jésus dormait sur le coussin à l’arrière. Il dort mais il est là. Comme les apôtres, nous aimerions que Jésus se bouge, fasse des miracles. Il y a un problème, et hop la solution Jésus en instantanée. Les apôtres sont impatients avec Jésus, traduisant une confiance encore limitée en lui. Ils font même un reproche à Jésus : que fais-tu toi qui dort ? Est-ce que tu nous aimes vraiment ? Est-ce que vraiment tu es Dieu ? J’aime leur question : elles expriment en arrière fond un désir de voir Jésus à l’œuvre, mais bon c’est encore trop impulsif et sans grande patience. La question est : Jésus n’est-il pas avec nous dans la barque de St Jean Baptiste de Belleville, dans la barque de son église ? Certes il dort, mais il est là. Parfois dans nos vies, on ne voit plus Dieu, on ne l’entend plus. Il est au fond de nous quelque part, mais il est caché, comme une graine qui n’est pas encore sorti de terre. Mais Jésus est bel et bien là dans ta vie, dans ma vie. Si j’ai été infidèle durant ces 4 ans, à t’aimer Seigneur, o toi, tu as été fidèle, tu as toujours été là. Ok il est envisageable que parfois tu dormais. Mais qu’importe, tu es là. Ma grande sœur du ciel, la petite Thérèse, commente ce passage de l’évangile dans une lettre adressée à sa sœur Céline. A ce moment-là, Céline était dans une situation difficile, dans une tempête intérieure. Voici comme Thérèse la réconforte :

II. Consolation

Céline je te compare à un petit enfant tout seul sur la mer, dans une barque perdue au milieu des flots orageux. Cet enfant ne peut savoir s’il est prêt ou loin du port. Il est perdu. Elle ne sait plus où va sa nacelle ; ne connaissant pas la manière de conduire le gouvernail, l’unique chose qu’elle puisse faire c’est de s’abandonner, de laisser sa voile flotter au gré du vent…Mais le gouvernail de ce bateau n’est pas sans pilote. Jésus est là, dormant comme autrefois dans la barque des pêcheurs de Galilée. Il dort… et Céline ne le voit pas car la nuit est descendue sur la nacelle… elle n’entend pas la voix de Jésus. Elle entends par contre le vent souffler ; elle voit les ténèbres… et Jésus dort toujours ; cependant s’Il se réveillait seulement un instant, Il n’aurait « qu’à commander au vent et à la mer et il se ferait un grand calme », la nuit deviendrait plus claire que le jour. Mais dans ce cas-là, Jésus ne dormirait plus et Il est si fatigué ! … fatigué de poursuivre les pécheurs, et dans la nacelle de Céline Jésus se repose si doucement. Les apôtres lui avaient donné un coussin. L’évangile nous rapporte cette particularité. Mais dans la petite barque de Céline, Jésus trouve un autre coussin beaucoup plus doux. C’est le cœur de Céline, là Il oublie tout, Il est chez Lui… Jésus est heureux … de tout recevoir d’elle pendant la nuit… Il attend l’aurore et alors, oh alors quel réveil que celui de Jésus !!!…

Oui, Jésus est heureux de recevoir sa foi, son espérance, sa patience, sa persévérance dans les situations difficiles. Il est heureux de voir que petite Céline continue de faire confiance, alors que l’immense océan est en pagaille. Céline croit en jésus, et cela le console. Dans le prologue de Jean, il est écrit du Christ : Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Ils n’ont pas cru en lui. Quand une personne croit en Jésus, même dans la tempête, alors Jésus est consolé.

Le fond de ce bateau, c’est aussi le fond du tombeau de Jésus. La tempête c’est la croix. Le sommeil du Christ c’est celui de sa mort sur la croix et de sa mise au tombeau. Le samedi saint, tu descends aux enfers pour parler à tous les défunts qui t’ont précédé dans la mort. Puis tu remontes des enfers, et tu te réveilles, tu ressuscite, toi la véritable aurore. Tu sors de la mort, faisant une brèche dans les murs de nos peurs.

A Gestémani, un ange est venu te consoler. A la croix, c’est ta mère, Marie, Notre Dame de la Croix. Marie, Notre Dame de la Croix, tu as été là, Stabat Mater, debout au pied de la croix, au pied du mat, dans l’espérance. Marie, tu croyais que son amour était éternel, qu’il ne pouvait s’arrêter avec la mort. Dans ce bateau de l’évangile, le coussin de Jésus le consolait.

Je dois vous dire, j’ai le sentiment que durant ces 4 années, vous avez été pour moi une consolation. Votre foi, votre charité, vos histoires saintes, vos conversions, votre humour, votre simplicité, votre espérance malgré vos tempêtes, votre fidélité, votre désir de prier. Et simplement de vous rencontrer. De voir les enfants grandir dans la foi et grandir tout court fut aussi une grande joie. Les baptêmes, dont le dernier petit Lazare, les mariages comme celui de Pauline et Emmanuel, les premières communions, les petites messes de semaines comme les grandes du dimanche 11h, les confessions où vous vous ouvrez au salut de Dieu. Merci, Merci aux équipes avec qui j’ai eu la grâce de travailler, en particulier l’équipe des catéchistes, comme une petite famille en mission pour les enfants, avec Diana à mes côtés pour nous aider à tenir le cap. Merci. Merci au salarié de la paroisse, qui sont bien plus que des salariés, et avec qui je vivais mon quotidien, dans la paix, et l’humour aussi. Merci Elisabeth, Merci Suzanne, Merci Hilda. Et merci l’équipe des prêtres aussi, où chaque relation est une aventure en soi, et je dirais plus encore, c’est une mission pour l’église.

Consolé mais aussi enfanté. Vous m’avez enfanté au sacerdoce. Vous m’avez façonné comme prêtre. On ne peut oublier sa première paroisse parait-il, et je veux bien le croire. L’an prochain un nouveau jeune prêtre vivra sa première paroisse avec vous. Théophile. Je suis très heureux pour lui, et pour vous. Nous avons comme point commun d’avoir été marqué par un séjour à Calcutta chez les sœurs de Mère Thérèsa. Dans son article, il dit qu’une sœur de Calcutta lui a dit de réfléchir au sacerdoce. Pour moi, le même soir, deux sœurs sont venues me voir pour me dire cela. Je ne sais pas si c’est une méthode de recrutement intensive, ou si c’est la grâce et ses médiations humaines. En tout cas, ça a marché !

Je vous remercie de prier pour moi pour cette nouvelle mission. J’aime les nouveaux défis, mais j’ai de l’appréhension un peu devant l’inconnu. Alors merci de prier pour moi, pour ma conversion, surtout pour ma vie de prière.

Le Christ a qui même le vent et la mer obéissent, est notre maître. Demandons-lui de le devenir davantage pour nous, un maître qui nous rendre libre pour aimer et pour faire le bien. Entrons durant cette eucharistie en alliance avec lui, et si vous avez l’impression qu’il dort, pensez à ce cadeau de Noel que fit Céline à Thérèse avant son entré au Carmel : un petit bateau où il est écrit sur la voile un verset du cantique des cantiques : Je dors mais mon cœur veille. Oui, Dieu veille sur nous, sur chacun de nous. Il ne nous surveille pas, il veille sur nous, car comme notre nom est gravé sur les paumes de sa main. Amen

* image Tela: Jules Joseph Meynier (1826-1903)