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NOVICIAT  DU  CIEL

Arrivé à un âge que l’on peut qualifier de respectable, je m’intéresse désormais davantage à tout ce qui a trait à cet âge. Récemment, je suis tombé sur l’expression magnifique d’une carmélite définissant la vieillesse comme un « noviciat du Ciel » !

Dans toutes les traditions religieuses de l’Occident comme de l’Orient, y compris non chrétiennes, le noviciat est une période d’initiation et de probation (mise à l’épreuve) à une vie religieuse stable. Et c’est, comme toujours, l’étymologie du mot qui m’a permis de mieux comprendre et d’approfondir ce qu’a merveilleusement voulu dire notre carmélite ! Ce mot novice (ou noviciat) vient du latin « novus » qui veut dire nouveau. Et, de fait, le novice, au travers de sa formation, devient un homme nouveau. Même si tout baptisé est déjà un homme nouveau selon Saint Paul (Col 3,10) « Vous avez revêtu l’homme nouveau« , le novice, en décidant de suivre le Christ radicalement, devient « nouveau » une nouvelle fois.

L’âge nous transforme. D’homme « augmenté » que nous étions dans notre jeunesse, nous devenons homme diminué, dans notre aujourd’hui ! Les épreuves de la vie nous laminent inexorablement. Autour de nous disparaissent des proches que nous avons tant aimés. Comme une mère, ma mère, qui n’est plus là, mais qui est partout où je suis… Autour de nous des êtres chers souffrent de maladie incurable. Comme une épouse, mon épouse, que l’on a dû placer en Ehpad, le cœur déchiré. Mais elle est tout près de nous, merci Seigneur, nous l’entourons beaucoup et nous l’aimons.

La vieillesse, comme le noviciat, est un temps privilégié pour la prière et le discernement. La prière vécue comme un Carmel intérieur, avec Saint Elie, le père spirituel de l’Ordre carmélitain; l’Ordre sans doute le plus « juif » de l’Église catholique. Vivre la prière comme un trésor à partager, comme un chemin de communion avec Dieu, notre Père Eternel, dans le Christ. Cette prière nourrie de l’expérience se vit comme une aventure intérieure d’intimité avec la Parole de Dieu. C’est une aventure extraordinaire qui nous renouvelle !

J’ai commencé en citant une carmélite anonyme, je finirai donc avec une autre, la plus grande de toutes, et dont je me sens si proche de par mes origines…

« Seul l’amour donne du prix aux choses ! » a écrit Sainte Thérèse d’Avila.

Edmond  Sirvente

Regard de l’autre : Auprès de Dieu…

Il est une formule bien connue qu’on entend à deux reprises dans les Évangiles, si connue qu’elle paraît aller de soi. À Marie s’interrogeant sur la réalisation de l’annonce de l’ange, celui-ci affirme que « rien n’est impossible à Dieu. »¹ Aux disciples déroutés par les conditions d’entrée dans le royaume, Jésus déclare : « Pour les hommes, c’est impossible. Mais à Dieu, tout est possible »². Or, je découvre dans le dernier livre de Marie Balmary³, psychanalyste et grande exploratrice de la Bible, que cette fameuse phrase est mal traduite. « En grec, dit-elle, c’est : Auprès de Dieu, tout est possible. » Auprès de Dieu ! Quel déplacement ! Et que c’est bon à entendre ! D’un Tout-Puissant qui décide et agit seul, d’en haut pourrait-on dire, de façon autoritaire voire arbitraire, me voici face à un Dieu qui m’invite à rester « auprès de lui » pour que l’impossible devienne possible. Autrement dit, Il a besoin de ma compagnie pour agir sur moi.

Cela me paraît en effet tout à fait compatible avec le Dieu de la Genèse cherchant l’homme qui s’est caché, honteux, dans le jardin, et appelant : « Où es-tu ? » Pas vraiment la figure d’un Très-Haut omniscient et omnipotent ! Adam et Ève, trompés par le serpent, ont perdu la grâce de cet « auprès de » qui, au départ, leur était si naturelle. Et je comprends que c’est cela qu’il faut rechercher avant tout : comment demeurer « auprès de Dieu ». C’est d’ailleurs l’attitude de Marie : en acceptant entièrement la proximité divine, elle donne chair au Verbe éternel. Quant à Jésus, en constante union avec le Père, il fait voir les aveugles, bondir les estropiés et revivre les morts. Toutes choses impossibles à hauteur humaine.

Voilà. C’est à la fois très simple et très exigeant. Aussi simple et aussi exigeant que peuvent l’être la fidélité à la prière, l’écoute de la Parole et sa mise en œuvre dans l’attention fraternelle, les meilleurs outils pour établir peu à peu avec Dieu cette « relation intime d’amitié » dont parle Thérèse d’Avila. J’ai donc bien mon petit rôle à tenir dans le grand jeu de la miséricorde divine. Elle m’est accordée sans tergiverser, cette miséricorde, pour peu que je consente à m’approcher, à me tenir là, à repousser la tentation de me cacher parce que je me trouve nue, ou nulle, ou pas digne de…

Auprès de Dieu, tout est possible ? Même de faire des médiocres créatures que nous sommes si souvent des saints et des saintes selon son cœur ? Si Jésus lui-même le dit…

Marie-Hélène D.

Refaire commun (juin 2024)

Il serait illusoire de penser que je puisse écrire sur autre chose que sur l’actualité de notre pays. Je crois profondément au Royaume et très souvent je trouve l’exercice de l’incarnation (la mienne, pas la Sienne) très difficile à habiter. Et en ce moment, c’est bien en tant qu’êtres incarnés ayant une responsabilité personnelle et collective devant l’avenir de notre pays que nous serons, chacun, amenés à agir en conscience.

Pour celles et ceux qui auraient déjà envie de déchirer cette feuille rassurez-vous : pas de discours moralisant, pas de consigne de vote même sous-jacente, pas d’analyse sociologique sur le vote chrétien. L’actualité est assez prolixe pour cela. Pourtant je suis du genre « convaincu ». Engagée dans la vie sociale et associative, parlant de politique comme d’autres parlent de leurs chatons, bref : c’est mon pain quotidien, ma vibration. Avec Jésus.

Depuis le résultat des élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée, je suis dans tous mes états, je m’abreuve (trop) de tous les soubresauts de l’actualité, je parle (trop) à mon entourage et le spectre de la peur tourne dangereusement autour de moi. Alors je profite de cette occasion pour faire une pause évangélique et proposer une tentative de regard chrétien que je partage pauvrement en ces temps incertains. D’abord, regarder ma peur. Au-delà des idées, ce qui me trouble le plus est ce climat de dissension profonde entre nous. Non pas les saines différences et les nécessaires conflits (au sens noble du terme) mais le fait que de plus en plus, nous vivons sur des planètes différentes, dans des univers si parfaitement parallèles que pas le moindre petit angle ne laisserait à penser qu’ils puissent se rejoindre un jour, quelque part. Chacun est certain de sa bonne raison et l’autre est voué par là même aux gémonies. Les cris de justice des uns sont interprétés comme de l’inconscience, les doutes des autres comme du conservatisme et le désespoir des masses comme de l’extrémisme. C’est sans doute à cela que l’on reconnait la part du diable, celui qui divise.

En réalité : seul Dieu sait de quoi nous sommes vraiment mus. Et seul lui pourra nous inviter à réellement relever ce combat. Alors, dans les méandres d’une oraison, moi aussi j’ai fait un rêve. Un rêve de tablées, petites ou grandes, où nous accepterions comme préalable de partager notre pain en compagnons de route, avec des gens de tous horizons d’idées. Des tablées où nous pourrions appréhender le visage de l’autre comme un alter égo en Christ sans vouloir convaincre ni argumenter. Où, sans doute timidement, nous accepterions de nous apprivoiser, comme le renard dans le Petit Prince de Saint Exupéry. Un moment où simplement nous déciderions de baisser la garde et de redevenir des êtres fréquentables les uns avec les autres, les uns pour les autres. Sans doute nous redécouvririons dans cet être-avec que nous partageons fondamentalement une condition et une destinée communes, irrésumables dans les mots de la vie terrestre. Nos existences tumultueuses et certainement nos egos ou nos timidités nous empêchent trop souvent de provoquer et vivre ce type d’expérience.

Et pourtant : cela ne tiendrait qu’à nous. Prenons le cas de notre communauté paroissiale. Nous sommes un microcosme de la société donc perclus de différences et pourtant nous sommes réunis. Plus encore : nous communions au même Corps. Pourrions-nous faire un pas de plus ? Entendons-nous bien : il n’y a aucun angélisme dans mon propos. Les moments qui nous attendent seront forcément rudes, les débats seront parfois âpres et oui, il faudra se positionner, accepter de choisir. Mais faire le pari de l’Unité pour notre communauté humaine est tout sauf de la mièvrerie : c’est avoir le double courage de pouvoir entrer en conflit en n’oubliant jamais notre lien fraternel indéfectible pour lequel le Christ n’a eu de cesse de nous montrer la voie. Alors oui, préparons-nous à nous aimer, à nous aimer deux fois plus car cela est sans doute difficile ! Mais c’est aussi à cela que nous serons reconnus comme ses Disciples.

Pax et Bonum !
Aline

UNE HISTOIRE D’OS CASSÉ… ET RÉPARÉ

A la question « quels sont les premiers signes de civilisation humaine ? », la célèbre anthropologue Margaret Mead n’a répondu ni l’invention du feu, ni celle de l’écriture, ni les peintures rupestres… Elle a simplement dit : « un fémur cassé, puis guéri ». Dans le règne animal, un membre rompu signifie la mort. Mais cette première guérison d’une jambe cassée chez les Hommes suppose qu’une personne, ou un groupe de personnes, est resté pendant de longues semaines auprès du blessé immobilisé, lui apportant nourriture, soins, abri, jusqu’à réparation complète de l’os. Pour elle, c’était ça le premier signe de civilisation. Le sacrifice de soi pour sauver la vie de l’autre.

Quelle leçon tirer ? Tout d’abord, que l’Humanité est une espèce incroyablement collaboratrice, en communication, en communion permanente les uns avec les autres, et c’est profondément ce qui a permis aux Hommes de survivre et se perfectionner ainsi. La relation d’aide, de soutien, de partage, le regard d’amour sur l’Autre sera toujours plus fort que le réflexe égoïste. Ne l’oublions jamais dans ces temps troublés.

Deuxièmement, que l’Humanité, corps du Christ, est composée d’une multitude de blessés. Nous avons tous un os brisé. S’il n’est pas toujours physique, il est souvent psychique, ou spirituel. Nous autres Chrétiens sommes une communauté de boiteux, qui avons conscience de notre fracture. Et notre médecin, nous le connaissons : le Christ lui-même, qui vient à notre chevet, et prend soin de nous au moment où nous sommes laissés sur le bas-côté, dans le fossé, plus morts que vifs.

Oui, mais tout médecin a besoin d’assistants. Qui sont-ils ? Ce sont les prêtres. Les prêtres sont les aides-soignants du Christ. Ils forment une longue chaîne ininterrompue de soignants depuis que Jésus leur a indiqué comment secourir. Certes, ils sont faillibles. Eux aussi sont boiteux, peut-être plus encore que ceux qu’ils aident. Mais ils se souviennent qu’eux aussi, ils ont été soignés. Un homme, un Nazaréen, s’est rendu à leur chevet et leur a prodigué les soins nécessaires pour pouvoir marcher, se redresser, vivre à nouveau. Et ils veulent faire profiter la Terre entière de cette Bonne Nouvelle : tout le monde peut être guéri. Encore faut-il le vouloir, être conscient de sa béance, et vouloir y apposer le baume réparateur du Christ. L’Humanité, à la nuque raide, s’y refuse trop souvent. C’est son libre-arbitre, inviolable. Mais quel dommage ! On ne soigne pas un os cassé tout seul.

Alors, célébrons joyeusement ce dimanche, ensemble, cette première Messe de Jeimer, notre séminariste ordonné prêtre, héritier d’une longue lignée de médecins de l’âme, qui remonte jusqu’au Christ lui-même.

Ludovic K.

Sur les pas de Sainte-Thérèse

La paroisse organise un pèlerinage à Lisieux, et hop, cent-cinquante paroissiens s’inscrivent ! Dimanche dernier, nous nous retrouvons sur le parvis.  Cap sur Lisieux ! Pourquoi aller sur les pas de Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, morte à l’âge de 24 ans, en 1897, de la tuberculose, au carmel de Lisieux, où elle aura passé neuf années ? Pourquoi nous rapprocher de la petite carmélite normande, docteure de l’Église, qui écrivit Histoire d’une âme, un des livres les plus lus de l’histoire après la Bible et Harry Potter, alors qu’elle n’avait jamais reçu d’enseignement théologique ? Les saints portent ce monde dans leurs prières et l’illuminent, mais ils ne changent pas tout seuls ; ils ont vécu des choses proches de ce que nous vivons, ils se convertissent avec le secours de Dieu. Nous allons à Lisieux parce que nous sommes tous appelés à la sainteté !

  Après la messe à la Basilique, et un déjeuner nous avons reçu un court enseignement du Fr. Jean-Alexandre autour des cinq points essentiels de la dynamique thérésienne, qui nous font passer du désir à la réalité, puis à la confiance, à la miséricorde, et enfin à l’incarnation dans les gestes quotidiens. Lors de la visite de la Basilique, notre guide, passionnée nous révèle les mystères des vitraux et nous parle de cette surprenante petite Thérèse, qui guide, conseille, console et se donne sans mesure. Nous sera-t-il donné, à nous, de comprendre, ne serait-ce qu’une infime partie de son exceptionnel élan d’amour envers Jésus ?

   A la crypte se trouve la chapelle dédiée à Louis et Zélie Martin, les parents de Thérèse. C’est le premier couple canonisé non martyr, et ils ne sont pas tombés l’un sur l’autre par hasard : avant de se connaître, ils désiraient tous deux, être religieux, mais l’église n’a pas voulu d’eux. Ils se marient et décident de vivre « comme frère et sœur », dans une continence perpétuelle. Leur confesseur les en dissuade, heureusement pour nous, et ils ont finalement neuf enfants, dont quatre meurent en bas âge. Leur parcours singulier nous laisse penser que Thérèse a vécu dans une famille qui savait ce qu’aimer veut dire… Le bon Dieu m’a donné un père et une mère plus dignes du Ciel que de la Terre, écrivait-elle. Nous nous regroupons autour de la châsse. La guitare nous invite doucement à entrer dans le chant et la prière. Au sein de l’intimité de la famille Martin, nos cœurs, riches des grâces de cette journée, s’ouvrent dans le recueillement, les larmes, de reconnaissance ou de joie… Nous vivons la simple intensité de la communauté. Nous déposons nos intentions de prière. Dans le car qui nous ramène à Paris, les langues se délient et de magnifiques témoignages se succèdent, comme autant de cadeaux partagés. Thérèse, tu nous as cueillis. Et quand on parle de fleurs, n’est-ce pas un peu de cette pluie de roses que tu voulais faire tomber après ta mort ? Ton regard d’amour et de confiance, comme un voile bienfaisant s’est posé sur nous, le temps d’une journée. Et maintenant, au travail ! La sainteté, ça se mérite. 

Yves et Marion B.

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