Catégorie : REGARD DE L’AUTRE Page 2 of 4

LA TRANSCENDANCE NOUS RELIE TOUS ENCORE

Nietzsche l’avait affirmé à la fin du XIXème siècle : « Dieu est mort ! » Faire-part de décès, glaçant et provocant. Sous sa plume, ce n’est pas un triomphe, mais une véritable catastrophe, angoissante : « Ce que le monde a possédé jusqu’à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. – Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? »

Ce que Nietzsche proclame ainsi avec fracas, c’est la volonté de couper tout lien avec la Transcendance pour inaugurer une nouvelle religion, en quelque sorte : celle de l’Homme. Problème : couper le lien avec la Transcendance divine, c’est aussi couper le lien avec la Transcendance de l’Homme. Ça marche tant que l’Humanité peut croire en elle-même… Mais les deux Guerres Mondiales, l’Holocauste, Hiroshima, et consorts, toute l’accumulation d’horreurs sans nom lors du XXème siècle a sérieusement écorné notre confiance en nous-mêmes, en notre bonté, notre lumière, notre humanisme. Faites un micro-trottoir et demandez aux gens ce qu’ils pensent de l’Humanité, quasi tous feront la grimace. De la même manière que tant d’Hommes n’ont plus voulu croire en Dieu, les Hommes en sont venus à ne plus croire… en eux-mêmes.

C’est le monde dans lequel nous vivons. Et c’est ce qui explique, selon moi, la lente descente vers la médiocrité et la laideur dont faisons l’expérience. Nous nous coupons de la Source. La Création ? Défigurée, enlaidie, polluée. L’idéologie ? Celle du fric. L’architecture ? Fonctionnelle et hideuse. La musique moderne ? Rendue insignifiante, pauvre, rachitique. Les couleurs et l’ornement ont disparu de la vie courante, des habits, des voitures, des productions culturelles. Etc. Faites vous-mêmes la liste.

Maintenant, rentrons dans une Eglise. Tout de suite, on est recentré vers le lien qui redonne la couleur à la vie, sa plénitude, son ouverture. Vers Dieu, tout simplement. Les Chrétiens n’ont pas oublié la Transcendance fondamentale de l’Homme en Dieu. Et c’est ce que nous réaffirmons, jour après jour, dans notre Foi, nos œuvres, nos célébrations. Nous ne nous résignons pas à nous-mêmes, pauvres humains, pris en tenaille entre l’orgueil et la honte. Nous ne nous voyons pas comme un aléa, un assemblage d’atomes plus ou moins stables, voué à la jouissance et à la consommation – consumation, devrait-on dire. Nous vivons la merveille qu’est l’être humain.

Les Fraternités mises en place dans notre Paroisse, et dont la première réunion a eu lieu mardi soir, nous rappellent à l’attention à l’autre, à l’émerveillement devant la complexité humaine. Et nous invite à travers chacun, à reconnaître le visage lumineux de la Transcendance divine, qui nous relie tous.

Ludovic K

On était pas quatre pelés à notre pélé!

Dimanche matin 6 octobre, flanquée de ma fille aînée, nous voilà parties vers le point de rendez-vous à l’Eglise où, ô miracle, nous n’arrivons qu’avec dix minutes de retard respectant en ce sens – si ce n’est l’heure du rendez-vous – la tacite règle du « quart d’heure parisien ».

Une marée paroissiale est déjà présente et s’enfourne goutte à goutte dans deux énormes bus (et quelques fourgonnettes) direction Chartres et sa magnifique cathédrale pour prier toutes et tous pour la Paix. Pour la Paix dans le monde, la Paix dans les familles, la Paix dans nos cœurs. Je dois avouer qu’à mes yeux, il y a quelque chose de résolument « folklorique » dans l’exercice de style qu’est le pèlerinage paroissial. J’ai eu la chance de beaucoup pèleriner en famille lorsque j’étais enfant et ado mais jamais en paroisse. Aussi, les Laudes dans le bus avec une sono crépitante, le chant que l’on doit apprendre en faisant «   ! » , suivre un groupe derrière une bannière à la  Vierge me paraît en premier instance  assez… déroutant. Mais tant qu’à être là, déroute-toi franchement me dis-je ! J’ai apprivoisé les crépitements, je me suis époumonée sur le chant, j’ai consciencieusement suivi la bannière : Jésus, je t’offre mon décentrement !

Le programme du pèlerinage a été aussi beau qu’intense. Plutôt qu’un résumé linéaire, je vous en livre ici quelques touches impressionnistes : … La découverte d’une figure spirituelle hors du commun, le père Franz Stock , qui a œuvré toute sa vie par son action et son exemplarité à la pacification des relations franco-allemandes durant l’entre-deux guerres et la seconde guerre mondiale. Epaulant prisonniers politiques et résistants durant leurs dernières heures notamment au Mont-Valérien, celui que l’on nomme « L’Aumônier de l’enfer » aura au risque de sa vie apporté des graines d’Espérance là où le mal semblait régner en maître. …

Le témoignage passionné et passionnant du Père Lioult, à l’initiative de « Grâce au Jardin », un projet écologique et spirituel à Tremblay-les-Villages alliant agriculture biologique, recherche en agronomie et insertion des plus vulnérables. Nous qui venions prier pour la Paix , ce témoignage est venu nous rappeler l’autre grande urgence de notre temps : la sauvegarde de la Création dont nous sommes par essence co-responsables.

… Un temps communautaire et personnel de prière fervente pour la Paix au sein de la cathédrale de Chartres. Vraiment, l’Esprit Saint était avec nous.

 … Le témoignage des paroissiens et paroissiennes lors du retour en bus qui a pris spontanément l’allure d’une prière d’action de grâce : les uns saluant notre assemblée intergénérationnelle, les autres remerciant l’efficace organisation de cette journée, toutes et tous témoignant des fruits spirituels que ce pèlerinage imprimait déjà en eux.  Nous partîmes trois cents et grâce à Dieu nous revînmes autant. Statistiquement, vous êtes assis à côté d’une personne ayant participé à ce beau pèlerinage pour la Paix. Vous souhaitez en savoir plus sur cette journée? Retournez-vous, souriez, et demandez !

Aline

NOVICIAT  DU  CIEL

Arrivé à un âge que l’on peut qualifier de respectable, je m’intéresse désormais davantage à tout ce qui a trait à cet âge. Récemment, je suis tombé sur l’expression magnifique d’une carmélite définissant la vieillesse comme un « noviciat du Ciel » !

Dans toutes les traditions religieuses de l’Occident comme de l’Orient, y compris non chrétiennes, le noviciat est une période d’initiation et de probation (mise à l’épreuve) à une vie religieuse stable. Et c’est, comme toujours, l’étymologie du mot qui m’a permis de mieux comprendre et d’approfondir ce qu’a merveilleusement voulu dire notre carmélite ! Ce mot novice (ou noviciat) vient du latin « novus » qui veut dire nouveau. Et, de fait, le novice, au travers de sa formation, devient un homme nouveau. Même si tout baptisé est déjà un homme nouveau selon Saint Paul (Col 3,10) « Vous avez revêtu l’homme nouveau« , le novice, en décidant de suivre le Christ radicalement, devient « nouveau » une nouvelle fois.

L’âge nous transforme. D’homme « augmenté » que nous étions dans notre jeunesse, nous devenons homme diminué, dans notre aujourd’hui ! Les épreuves de la vie nous laminent inexorablement. Autour de nous disparaissent des proches que nous avons tant aimés. Comme une mère, ma mère, qui n’est plus là, mais qui est partout où je suis… Autour de nous des êtres chers souffrent de maladie incurable. Comme une épouse, mon épouse, que l’on a dû placer en Ehpad, le cœur déchiré. Mais elle est tout près de nous, merci Seigneur, nous l’entourons beaucoup et nous l’aimons.

La vieillesse, comme le noviciat, est un temps privilégié pour la prière et le discernement. La prière vécue comme un Carmel intérieur, avec Saint Elie, le père spirituel de l’Ordre carmélitain; l’Ordre sans doute le plus « juif » de l’Église catholique. Vivre la prière comme un trésor à partager, comme un chemin de communion avec Dieu, notre Père Eternel, dans le Christ. Cette prière nourrie de l’expérience se vit comme une aventure intérieure d’intimité avec la Parole de Dieu. C’est une aventure extraordinaire qui nous renouvelle !

J’ai commencé en citant une carmélite anonyme, je finirai donc avec une autre, la plus grande de toutes, et dont je me sens si proche de par mes origines…

« Seul l’amour donne du prix aux choses ! » a écrit Sainte Thérèse d’Avila.

Edmond  Sirvente

Regard de l’autre : Auprès de Dieu…

Il est une formule bien connue qu’on entend à deux reprises dans les Évangiles, si connue qu’elle paraît aller de soi. À Marie s’interrogeant sur la réalisation de l’annonce de l’ange, celui-ci affirme que « rien n’est impossible à Dieu. »¹ Aux disciples déroutés par les conditions d’entrée dans le royaume, Jésus déclare : « Pour les hommes, c’est impossible. Mais à Dieu, tout est possible »². Or, je découvre dans le dernier livre de Marie Balmary³, psychanalyste et grande exploratrice de la Bible, que cette fameuse phrase est mal traduite. « En grec, dit-elle, c’est : Auprès de Dieu, tout est possible. » Auprès de Dieu ! Quel déplacement ! Et que c’est bon à entendre ! D’un Tout-Puissant qui décide et agit seul, d’en haut pourrait-on dire, de façon autoritaire voire arbitraire, me voici face à un Dieu qui m’invite à rester « auprès de lui » pour que l’impossible devienne possible. Autrement dit, Il a besoin de ma compagnie pour agir sur moi.

Cela me paraît en effet tout à fait compatible avec le Dieu de la Genèse cherchant l’homme qui s’est caché, honteux, dans le jardin, et appelant : « Où es-tu ? » Pas vraiment la figure d’un Très-Haut omniscient et omnipotent ! Adam et Ève, trompés par le serpent, ont perdu la grâce de cet « auprès de » qui, au départ, leur était si naturelle. Et je comprends que c’est cela qu’il faut rechercher avant tout : comment demeurer « auprès de Dieu ». C’est d’ailleurs l’attitude de Marie : en acceptant entièrement la proximité divine, elle donne chair au Verbe éternel. Quant à Jésus, en constante union avec le Père, il fait voir les aveugles, bondir les estropiés et revivre les morts. Toutes choses impossibles à hauteur humaine.

Voilà. C’est à la fois très simple et très exigeant. Aussi simple et aussi exigeant que peuvent l’être la fidélité à la prière, l’écoute de la Parole et sa mise en œuvre dans l’attention fraternelle, les meilleurs outils pour établir peu à peu avec Dieu cette « relation intime d’amitié » dont parle Thérèse d’Avila. J’ai donc bien mon petit rôle à tenir dans le grand jeu de la miséricorde divine. Elle m’est accordée sans tergiverser, cette miséricorde, pour peu que je consente à m’approcher, à me tenir là, à repousser la tentation de me cacher parce que je me trouve nue, ou nulle, ou pas digne de…

Auprès de Dieu, tout est possible ? Même de faire des médiocres créatures que nous sommes si souvent des saints et des saintes selon son cœur ? Si Jésus lui-même le dit…

Marie-Hélène D.

Refaire commun (juin 2024)

Il serait illusoire de penser que je puisse écrire sur autre chose que sur l’actualité de notre pays. Je crois profondément au Royaume et très souvent je trouve l’exercice de l’incarnation (la mienne, pas la Sienne) très difficile à habiter. Et en ce moment, c’est bien en tant qu’êtres incarnés ayant une responsabilité personnelle et collective devant l’avenir de notre pays que nous serons, chacun, amenés à agir en conscience.

Pour celles et ceux qui auraient déjà envie de déchirer cette feuille rassurez-vous : pas de discours moralisant, pas de consigne de vote même sous-jacente, pas d’analyse sociologique sur le vote chrétien. L’actualité est assez prolixe pour cela. Pourtant je suis du genre « convaincu ». Engagée dans la vie sociale et associative, parlant de politique comme d’autres parlent de leurs chatons, bref : c’est mon pain quotidien, ma vibration. Avec Jésus.

Depuis le résultat des élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée, je suis dans tous mes états, je m’abreuve (trop) de tous les soubresauts de l’actualité, je parle (trop) à mon entourage et le spectre de la peur tourne dangereusement autour de moi. Alors je profite de cette occasion pour faire une pause évangélique et proposer une tentative de regard chrétien que je partage pauvrement en ces temps incertains. D’abord, regarder ma peur. Au-delà des idées, ce qui me trouble le plus est ce climat de dissension profonde entre nous. Non pas les saines différences et les nécessaires conflits (au sens noble du terme) mais le fait que de plus en plus, nous vivons sur des planètes différentes, dans des univers si parfaitement parallèles que pas le moindre petit angle ne laisserait à penser qu’ils puissent se rejoindre un jour, quelque part. Chacun est certain de sa bonne raison et l’autre est voué par là même aux gémonies. Les cris de justice des uns sont interprétés comme de l’inconscience, les doutes des autres comme du conservatisme et le désespoir des masses comme de l’extrémisme. C’est sans doute à cela que l’on reconnait la part du diable, celui qui divise.

En réalité : seul Dieu sait de quoi nous sommes vraiment mus. Et seul lui pourra nous inviter à réellement relever ce combat. Alors, dans les méandres d’une oraison, moi aussi j’ai fait un rêve. Un rêve de tablées, petites ou grandes, où nous accepterions comme préalable de partager notre pain en compagnons de route, avec des gens de tous horizons d’idées. Des tablées où nous pourrions appréhender le visage de l’autre comme un alter égo en Christ sans vouloir convaincre ni argumenter. Où, sans doute timidement, nous accepterions de nous apprivoiser, comme le renard dans le Petit Prince de Saint Exupéry. Un moment où simplement nous déciderions de baisser la garde et de redevenir des êtres fréquentables les uns avec les autres, les uns pour les autres. Sans doute nous redécouvririons dans cet être-avec que nous partageons fondamentalement une condition et une destinée communes, irrésumables dans les mots de la vie terrestre. Nos existences tumultueuses et certainement nos egos ou nos timidités nous empêchent trop souvent de provoquer et vivre ce type d’expérience.

Et pourtant : cela ne tiendrait qu’à nous. Prenons le cas de notre communauté paroissiale. Nous sommes un microcosme de la société donc perclus de différences et pourtant nous sommes réunis. Plus encore : nous communions au même Corps. Pourrions-nous faire un pas de plus ? Entendons-nous bien : il n’y a aucun angélisme dans mon propos. Les moments qui nous attendent seront forcément rudes, les débats seront parfois âpres et oui, il faudra se positionner, accepter de choisir. Mais faire le pari de l’Unité pour notre communauté humaine est tout sauf de la mièvrerie : c’est avoir le double courage de pouvoir entrer en conflit en n’oubliant jamais notre lien fraternel indéfectible pour lequel le Christ n’a eu de cesse de nous montrer la voie. Alors oui, préparons-nous à nous aimer, à nous aimer deux fois plus car cela est sans doute difficile ! Mais c’est aussi à cela que nous serons reconnus comme ses Disciples.

Pax et Bonum !
Aline

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