Sans…

Je m’interroge souvent sur les motifs profonds de mes pratiques – attachement à l’Eucharistie, temps de prière, engagements paroissiaux… –, craignant de les observer pour de mauvaises raisons. Avec le besoin inavoué  d’être « dans les règles », par exemple, comme le pharisien si content de lui, exposant au Seigneur sa parfaite observance. Ou pour soigner ma propre estime de moi et entretenir à bon compte mes petites vanités. Certes, me dis-je, je suis d’abord portée par mon attachement à l’Évangile et par le désir de suivre Celui qui est « le Chemin, la Vérité, la Vie ». Je sais aussi que la pratique personnelle n’a de sens que vécue en communauté ecclésiale. Une communauté fidèle et faillible, comme moi ; vivant sa foi avec constance en dépit des chutes et des errances, comme moi.

Néanmoins, mon malaise persistant, j’ai imaginé – juste imaginé, hein ! – qu’il y avait peut-être une (bonne ? mauvaise ?) façon de vérifier : tout laisser tomber. Vivre sans tout ça : messes, oraisons, engagements et le reste. Prier avec l’humour irrévérencieux de Jacques Prévert : « Notre Père, qui êtes aux cieux, restez-y ! Et nous, nous resterons sur la terre, qui est quelquefois si jolie. » Oui, vivre sans Dieu. Pour voir. Des tas de gens font ça très bien, non ? Profiter, en écartant les questionnements importuns, des divertissements de la vie – il y a largement de quoi s’occuper ! Vivre sans Verbe fait chair, sans Christ Ressuscité. Sans salutation de l’ange, sans premier-né dans la mangeoire, sans mages guidés par une étoile. Sans vin aux noces de Cana. Sans discours sur la montagne Sans brebis perdue et retrouvée. Sans démons expulsés, sans lépreux purifiés, sans aveugles qui voient et sans boiteux qui dansent. Sans pain rompu, sans vin offert. Sans montée au Calvaire, sans mains et pieds cloués, sans ténèbres sur la terre. Sans pierre roulée, sans tombeau vide, sans matin dans un jardin. Sans silhouette sur le rivage devant un feu de braises où grillent des poissons, sans disciple dans la barque, soufflant aux autres : « C’est le Seigneur ».

Vous l’aurez compris : c’est tout vu ! Parce qu’il suffit d’évoquer ces récits familiers – et pourtant, à chaque écoute, d’une si bouleversante nouveauté – pour sentir notre cœur brûler comme celui des deux hommes marchant vers Emmaüs. Je poursuivrai donc mon chemin de foi, peut-être parfois pour de mauvaises raisons, mais toujours avec vous, compagnes et compagnons de route ! Je conserverai en mémoire cette parabole que j’aime particulièrement : celle du champ où croissent ensemble le bon grain et la mauvaise herbe. Et j’attendrai dans la confiance le jour de la Moisson.

   Marie-Hélène D.

Jean 21, 7-9
Matthieu 13, 24-30

Conférence Sœur Anne Lécu

Dimanche 18 Mai à 16h30

Religieuse dominicaine, auteur de plusieurs livres de spiritualité, dont récemment, à partir du prophète Elie, « Le Seigneur n’était pas dans le feu » (Cerf), sœur Anne Lécu exerce la médecine dans une maison d’arrêt d’Ile-de-France depuis 1997.
Dans le cadre des conférences de notre paroisse, Saint-Jean-Baptiste de Belleville (Paris 19, métro Jourdain), elle nous emmène le dimanche 18 mai à 16h30 sur les chemins de l’Espérance, thème de l’année jubilaire : « De quoi l’espérance chrétienne est-elle le nom ? Certainement pas du fait que  »ça ira mieux demain », car elle naît dans la nuit, au pied de la croix, devant un tombeau où repose le corps du Seigneur. Aussi est-ce peut-être du côté de la nuit, de la non-évidence, du murmure, qu’il faut en chercher la trace »

Qu’est-ce qu’un « homme de Dieu » ? Qui est Élie, le prophète adversaire des prophètes de métier ? Pourquoi l’Éternel lui donne-t-il pour mission de renverser les idoles qui ravagent son temps et hantent notre quotidien ? Comment le cherche-t-il dans le feu, la tempête, le tremblement de terre, mais en vain ? Et comment le trouve-t-il aux confins du silence ?
Il fallait Anne Lécu pour nous restituer, vivant, ce prédicateur zélé de l’unique vrai Dieu et nous faire les compagnons, vécus, de son périple où il récapitule chaque étape fondamentale et chaque épisode crucial de la Révélation biblique. Passeur entre le Sinaï de Moïse et le Thabor de Jésus, le veilleur solitaire de l’Horeb et du Carmel ne va cesser d’inspirer toute vocation à cheminer avec le Très-Haut. Et les leçons de sa ferveur contemplative, de se transmettre à nous dans la discrétion du silence.

Si ce livre apporte des clés historiques, exégétiques, patristiques qui font de nous les contemporains d’Élie, il ne compose pas moins une cantate mystique par les fulgurances poétiques qu’il offre. Un texte-événement !

Lumière éblouissante de la Résurrection

J’aime la lumière éblouissante du matin de Pâques. Pour garder en moi cette joie qui me transporte, j’essaie de méditer sur ce que la vie, au fil des années, m’a fait connaître de plus semblable à une « résurrection » : la guérison d’un proche après une grave maladie, la joie d’une amitié retrouvée après une période de doute, ou le retour à la vie d’un ou d’une collègue, qui a connu une phase d’errance inquiétante. De même, quand je cherche à sortir d’une série de maladresses et de fautes, commises dans un contexte de doutes et de tensions, que je reconnais mes fautes et que je les regrette, à cause de la peine que j’ai pu causer autour de moi, c’est déjà un soulagement pour mes proches et pour moi-même ! Pour eux, c’est déjà l’espoir d’une  renaissance de ma part, et d’un retour à des relations apaisées entre nous. Pour moi, c’est comme une guérison.

Ce n’est pas par hasard que Jésus compare si souvent le péché à la maladie et à la mort ! Comme le dit le père du fils prodigue : « Mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ! » (Luc 15,24), et ce constat lui sert de réponse à son fils aîné, et d’explication à la raison d’être du festin qu’il est en train de donner pour l’occasion. A l’inverse, le fils aîné, pris dans son quotidien du devoir accompli, et dans sa routine de mille petites tâches, à effectuer quoi qu’il arrive, en arrive à ne pas voir du tout le changement d’état d’esprit de son frère, parti il y a quelque temps pour « faire la fête », et revenu affamé, plein de remords, et d’une authentique contrition : « Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes serviteurs ! », dit-il à son père (Luc, 15, 19). Le fils prodigue accepte de mourir à lui-même, pour renaître à l’amour de son père et de ses proches, et pour retrouver ainsi l’amour du Seigneur, que son père représente si bien ici.

Je pense aussi au « bon larron », qui fait remarquer à son voisin : « Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes, mais lui, il n’a rien fait de mal. » (Luc, 23, 41). Priant Jésus de penser à lui quand il entrerait dans son Royaume, il reçoit aussitôt de Lui la promesse d’être au paradis le soir même.

Tout n’est pas si différent pour nous, puisque nous nous efforçons de suivre toujours la même tradition, une tradition déjà bimillénaire, en mettant nos pas dans les pas des innombrables chrétiens qui nous ont précédés. Autrement, livrés à notre entendement « basique », nous serions au moins aussi démunis et désemparés en lisant ce récit, que les apôtres ont dû l’être au matin du troisième jour : ils ont commencé par trouver « délirants » les propos des femmes qui leur rapportaient la réponse de l’ange du Seigneur, au sujet de l’absence du corps de Jésus dans le tombeau : « Il n’est pas ici, mais il est ressuscité. » (Luc 23,6). Ils ne pouvaient les croire ! Mais très vite, ils ont reçu la grâce de croire : la résurrection, qui les avait d’abord remplis de stupeur ou laissés dubitatifs, comme Thomas, était devenue la source d’une joie incommensurable, d’une énergie sans faille et d’une foi invincible, qui allaient devenir leurs forces pour toujours, et leur permettre de transmettre inlassablement la Bonne Nouvelle, jusqu’aux extrémités de la Terre, et jusqu’à la fin de leur vie !

Marie

Pape François 1936-2025

Paroles du Pape François

Il y a de la place pour tout le monde dans l’Église, pour tout le monde ! Personne n’est inutile, personne n’est superflu, il y a de la place pour tout le monde. Tel que nous sommes, tout le monde. Et Jésus le dit clairement quand il envoie les apôtres inviter au banquet de cet homme qui l’avait préparé, il dit : “Allez chercher tout le monde, jeunes et vieux, bien portants et malades, justes et pécheurs : tous, tous, tous”. Dans l’Église, il y a de la place pour tous. 

«Ne nous laissons pas voler l’espérance! »

« Tous les jours, Dieu passe dans notre vie ».

« Si quelquefois Dieu semble ne pas nous aider, cela ne signifie pas qu’il nous a abandonnés, mais qu’il nous fait confiance, qu’il fit confiance en ce que nous pouvons projeter , inventer, trouver. »

« Nous sommes venus au monde pour ressusciter: nous ne sommes pas nés pour la mort, mais pour la résurrection.  En effet, comme écrit  […] Saint Paul , déjà maintenant «  notre citoyenneté est dans les cieux » (Ph 3, 20) et, comme dit Jésus dans l’Evangile nous serons ressuscités le dernier jour (cf Jn6,40) »

Faire mémoire

Nous venons de vivre une octave de Pâques bien particulière, marquée par le décès du Pape François. Une semaine en miroir de la Semaine Sainte, qui m’a donné de réfléchir sur l’importance de la commémoration. Faire mémoire, ne se trouve-t-il pas au fondement du judaïsme et du christianisme ? N’est-ce pas l’origine des Evangiles : écrire pour fixer la mémoire ? le sens de notre liturgie, et de nos fêtes ? On rappelle souvent que la première prière du peuple de Dieu est « Shmah Israël » Ecoute Israël. Mais qu’est-ce que l’écoute sans la mémoire ? Nous lisons les textes, nous les écoutons. Certes, mais l’évangile de Luc semble nous dire que ce n’est pas suffisant lorsqu’il raconte le manque de mémoire (ou de foi) de Zacharie face à l’ange lui annonçant la grossesse de sa femme. Ce prêtre pourtant « juste devant Dieu », connaissait très bien les Ecritures. Il aurait dû savoir que c’était possible, c’est arrivé à Sarah. Conséquence ? Mutisme temporaire. Ce n’est qu’à la naissance de son fils, qu’il retrouve sa voix pour témoigner, et crier un cantique. Mais alors, comment bien faire mémoire ? Un véritable défi dans un monde marqué par l’immédiateté, la dispersion numérique, l’hyperactivité… Le Triduum nous montre un chemin : en prenant collectivement le temps, un temps long qui nous permette de dépasser le souvenir rapide (ah oui c’est Pâques ! le Pape est mort…) de faire descendre l’information jusqu’au cœur jusqu’à ressentir ce qui s’est joué / se joue ; un effort d’incarnation ; que notre imagination se saisisse des scènes décrites ou rejouées pour que nous les investissions émotionnellement. Il me semble que c’est la visée de la liturgie, des lectures, du lavement des pieds, des chemins de croix, des films, spectacles etc. : nous aider à réactiver la mémoire. Mais l’Eglise nous invite ensuite à témoigner individuellement, alors comment s’y prendre ? Lors d’une retraite en février, le père Henri de Villefranche qui la prêchait nous avait donné un exercice dont je n’avais pas saisi toute la portée : « Ecrivez votre Evangile », « Ecrivez votre Cantique » avait-il dit.

En gros : relecture personnelle de votre histoire et action de grâce pour tout ce que Dieu nous a déjà donné par la prière, sa Parole et les personnes mises sur votre route ! Mon évangile, je ne l’ai pas écrit, mais le pape François y occuperait une place. Sa mort me touche car c’est par la lecture de son encyclique Laudato Si’ que j’ai fait un bond en avant dans ma vie de foi, et me suis engagée en Eglise. En me raccrochant à sa figure à bien des moments quand je me sentais illégitime ou décalée. Son regard sur le monde et les concepts qu’il formulait m’avaient profondément touchée et permis d’unifier ma vie « civile » et ma vie de foi. Par sa simplicité, son ouverture d’esprit, son côté « poil à gratter », sa critique radicale des modes de vies consuméristes, ses mises en gardes contre ce que j’appellerais un certain pharisianisme, replaçant la charité au premier plan, allant aux périphéries, appelant à la paix, à l’accueil, il incarnait et actualisait pour moi l’֤Évangile.

Pour toutes ces raisons je tenais à l’heure de sa mort à faire mémoire de ses mots et gestes qu’il a posés à la suite du Christ. J’espère qu’eux non plus ne passeront pas et se feront Tradition, qu’ils en appelleront d’autres à l’engagement et que sa mort ne nous fera pas abandonner les initiatives de conversion écologique et d’attention aux plus fragiles. Mais qu’au contraire, par toute la terre, nous fassions mémoire, et sortions des tombeaux pour témoigner à notre tour par nos évangiles, à la fois à la suite et en communion avec ceux qui nous ont précédés. Amen

Pauline H

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