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Avec le Seigneur, briser la solitude

La solitude peut survenir à tout âge et dans toutes les catégories sociales. Et quand elle s’ajoute à la pauvreté et à la dépression, elle peut en précipiter plus d’un dans la précarité, la déchéance, la rue. Il y a une quinzaine d’années, la solitude a été déclarée ‘‘Grande Cause Nationale’’ en France. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a beaucoup à faire pour lutter contre ce fléau, aussi sournois et insidieux, que difficile à combattre. Selon une enquête réalisée récemment à ce sujet, quatre millions de Français n’auraient guère plus de trois conversations par an !

La solitude et même l’isolement peuvent être recherchés, voulus, choisis… Par exemple par des artistes, des écrivains, des scientifiques… ou encore des religieux, des ascètes, des moines, dans une congrégation où la solitude les accompagne au service de Dieu et de leurs frères. D’autres peuvent s’installer dans un ermitage, comme Saint Charles de Foucauld. Et Saint François d’Assise, dès le début de son changement de vie, se mettait souvent à l’écart pour prier, dans une grotte, ou bien il s’astreignait à de longues marches, seul dans la forêt.

Même s’il est difficile à vivre, ce choix structure alors la vie de celui qui l’a fait : il est seul, mais avec le Seigneur s’il s’agit d’un religieux, ou avec son art, sa passion pour la science, la musique , ou la poésie, s’il s’agit d’un savant ou d’un artiste… Ce qui est extrêmement douloureux et difficile à vivre au contraire, c’est la solitude subie, celle que la personne n’a pas choisie, et qui s’installe dans sa vie progressivement, sans qu’elle s’en rende vraiment compte. Il s’agit alors d’une spirale qui désapprend à parler, d’une chape de plomb qui accable, d’un mur de verre qui enferme. Plus on est dans la solitude, plus la vie devient difficile :elle ne s’ajoute pas aux problèmes, elle les multiplie. C’est cette coupure de tout lien social qui rend la personne isolée si vulnérable : ‘‘créer du lien’’ devient alors une œuvre sociale à part entière , comme celle qu’assument tant d’associations comme le Secours Catholique, La Mie de pain, et tant d’autres, rattachées ou non à l’Église… Nous le savons : le Seigneur sait reconnaître ceux qui ont tendu la main à leurs frères.

Longtemps très seule, je resterai toujours reconnaissante à l’Église et aux églises de m’avoir laissé leurs portes ouvertes. Quand la douleur de cette solitude m’accablait, quand elle surgissait du silence qui m’entourait, quand je n’en pouvais plus de cette invisible prison, j’allais dans une église , une de ces ‘‘maisons de Dieu’’, où je savais qu’Il était présent. Et c’est dans une de ces églises que j’ai pu, un jour, rompre la solitude, parler à un prêtre, et reprendre peu à peu le chemin de la vie. Je tâchais, lentement mais sûrement, maladroitement mais passionnément, de mettre mes pas dans les pas de Jésus, vers la vie, la vraie Vie, auprès de Lui et de mes frères en Christ.

Marie

La Liturgie des Heures

Il est 5h00, Paris s’éveille…Heu ! Non, le monastère s’éveille dans l’obscurité. Des silhouettes furtives se hâtent vers la chapelle pour l’Office des Vigiles à 5h30. Peu à peu paraissent les premières lueurs du jour. Ensuite, six autres offices vont rythmer la journée de la vie de l’Eglise. Mais la Liturgie des Heures n’est pas uniquement réservée aux moines et aux moniales. Elle concerne le clergé séculier, les ordres religieux non cloîtrés de toute sorte, les personnes consacrées etc. Cette prière est offerte à tous les baptisés. Elle est une source de la vie spirituelle et apostolique pour chacun. Elle apporte non seulement de la gratuité mais aussi une respiration dans nos journées. Bien sûr, elle requiert une certaine souplesse, une adaptation à nos rythmes contemporains. Où et quand ? Il existe tellement de possibilités…Il m’est arrivé de prier l’Office des Vêpres, avec un ami prêtre, dans le métro. Nous alternions, à voix basse, les versets des psaumes et, semble-t-il, cela n’a dérangé personne.

La prière de la Liturgie des Heures permet de répondre à « l’heure de Dieu ». Elle nous fait sortir de notre subjectivité et de nos états d’âme. Lors de ma consécration dans l’Ordre des vierges, j’ai reçu les quatre volumes de la Liturgie des Heures avec ces mots : « Recevez le livre de la prière de l’Église ; ne cessez jamais de louer votre Dieu ni t’intercéder pour le salut du monde ». Cela m’a tout de suite installée dans cette mission. Je sais que je suis à la fois solitaire et solidaire : si je prie en solitude, je sais que je ne suis pas seule, mais reliée à tous ceux et celles qui prient la Liturgie des Heures.

Qui pourrait dire la richesse inépuisable des hymnes, des psaumes, des lectures bibliques et patristiques ? Tout est nouveau à chaque instant. J’aime me laisser surprendre par telle ou telle hymne harmonisée par Jean-Baptiste Musset pour les Voix du Jourdain. Je m’approprie  souvent tel ou tel verset de psaume pour crier vers Dieu ma détresse, implorer sa miséricorde, témoigner ma reconnaissance. Pas besoin de chercher les mots en moi, je les ai sous les yeux.

Dans un ouvrage récent*, Olivier-Marie Sarr, abbé bénédictin de Keur Moussa (Sénégal) assure « qu’il est indispensable de décider de prier, le désir de prier ne suffit pas » et d’ajouter « la prière n’est pas un problème de temps mais un problème d’amour, nous savons trouver du temps pour ce qui est essentiel ».

La Liturgie des Heures ? Telle une petite abeille, j’en fais mon miel chaque jour.

Brigitte

Brève de Mission…

Raphaëlle est une habituée des missions de rue. Elle s’est inscrite au Congrès Mission qui regroupe des milliers de chrétiens venus de toute la France dans l’immense salle de l’Accor Arena, à Paris. Arrivée un peu en avance, elle s’installe en face, au Bercy café, pour attendre son ami prêtre. Très motivée, de l’énergie à revendre en ce matin de novembre, elle a bien l’intention de commencer sa mission d’évangélisation en force. Et pourquoi pas dès maintenant ?

Elle interpelle le serveur :

  • Vous savez ce qu’il y a en face, ce week-end ?
  • Heu… Un concert ? Lady Gaga ?… répond le serveur, pressé.
  • Non, un grand rassemblement de chrétiens ! Vous croyez en Dieu, vous ?
  • Écoutez, madame, je suis athée et je n’ai aucune envie d’en parler répond le serveur, un brin énervé.  Qu’est-ce que vous buvez ?

Raphaëlle, déconfite, commande un café et se dit qu’elle a vraiment manqué de subtilité en y allant avec ses gros sabots. Sa journée de mission ne commence pas très bien… Arrive son ami prêtre, à qui elle confie ses déboires. Le connaissant, elle le met en garde et l’invite à y aller mollo avec le serveur, qui l’a renvoyée dans ses cordes. Quand celui-ci apporte la commande de Raphaëlle, le prêtre l’interpelle aussitôt :

  • Alors, il paraît que vous êtes athée ?
  • Le serveur interloqué bredouille : Oui, en effet, je ne crois pas en Dieu.
  • Ce n’est pas grave, continue le prêtre, c’est parce que vous ne Le connaissez pas. Lui, Il vous connaît, et Il vous aime.
  • Oh, c’est trop sympa, merci, mon Père ! s’exclame le serveur, qui a retrouvé d’un coup son sourire. Ils échangent alors une chaleureuse poignée de main sous les yeux éberlués de Raphaëlle.

Marion et Yves

Désert  du  cœur

Du fond de mon lit d’hôpital, j’ai crié ton Nom, je t’ai supplié, je t’ai prié. Jamais tu n’es venu à mon secours. Tu n’avais que le silence comme réponse. Le silence de l’absence. J’étais réduit à ma douleur.

J’ai vécu ces derniers mois ce que l’on appelle une nuit de la foi. C’est une expérience spirituelle aride de l’éloignement de Dieu. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Alors, avec la force du désespéré, pour ne pas me noyer, j’ai pris ma vieille Bible de Jérusalem usée  que j’avais apportée. D’abord, le livre de Job , le Juste souffrant, et bien sûr, le livre des tehilim (les psaumes en hébreu). Surtout le psaume 22 (21 dans la numérotation chrétienne) que j’ai lu et relu, presque récité, en pleurant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Pourquoi cette souffrance ? Pour essayer d’éclairer ma nuit, j’ai convoqué tous ceux et celles qui ont traversé cette douloureuse expérience. Les trois grands saints du Carmel, d’abord. Jean de la Croix et sa « Nuit obscure« , Térèse d’Avila qui, à l’âge de sept ans, avait dit à son frère : « Je veux voir Dieu, mais pour voir Dieu, il faut mourir » (ce fut le tourment de sa vie « Je meurs de pas mourir »), et enfin, notre petite Thérèse bien aimée, Thérèse de Lisieux qui dans les derniers mois de sa courte vie a connu « la nuit noire », « la nuit du néant ». Et puis une autre Thérèse, Mère Teresa de  Calcutta, qui a sans doute connu la plus longue nuit de la foi de l’histoire, pendant cinquante ans de sa vie. « Je serai la sainte des ténèbres » avait-elle dit, peu avant sa mort. Et puis encore, Benoît de Nursie, Ignace de Loyola, François de Sales, Elisabeth de la Trinité, Edith Stein qui a connu la nuit de l’incroyance, Simone Weil, la philosophe, qui a écrit « Mon Dieu, aidez-moi à devenir rien », et puis enfin Etty Hillesum qui disait: «  Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas s’éteindre en moi ». Et enfin, j’ai pensé chaque jour à ma mère, bénie soit-elle, qui m’a soutenu à bout de bras, dans la Communion des Saints. Dans ce Sahara du cœur, cette Shoah intérieure, je sentais le travail de Dieu au fond de moi, profond comme une opération chirurgicale. La nuit de la foi n’est pas un manque de foi, c’est une amère expérience mystique. Mais c’est sans doute aussi et surtout une grâce accordée par Dieu dans sa gratuité et sa miséricorde.

Je suis sorti aujourd’hui de cette nuit, mais transformé, converti à une foi dépouillée, épurée, purifiée, guéri de mes doutes et mes peurs. Un fils de pasteur, au 19e siècle, Friedrich Nietzsche, l’avait bien compris : « Ce qui ne me tue pas, me rend plus fort ». J’ai coudoyé la mort, mais toujours la vie vainquait. Je l’ai vue de près, cette mort,  avec son masque de perdante, elle n’est rien, elle n’est que le passage obligé vers bien plus grand qu’elle, la Vie et l’Amour éternels. Ma nuit a pris les couleurs de l’aurore, comme un matin pour Dieu. Chaque jour pour Dieu sur le chemin du reste de ma vie avec mon bâton de pèlerin (actuellement au sens propre du mot !)

Je crois au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob dans son Alliance avec l’homme, jusque dans sa chair. Alliance accomplie dans la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ.

Edmond Sirvente

LA PLUIE

J’avais un ami hindouiste qui avait l’habitude de dire quand il pleuvait : “ Il pleut, les dieux sont contents ”. C’est une petite phrase qui m’est restée dans la tête. Depuis, à chaque fois qu’il pleut, je vois venir toutes ces gouttes avec bienveillance. Pourquoi grimacer lorsque l’eau du ciel vous atteint ?

Il y avait cette vidéo d’une toute petite fille, presque un bébé. Elle sortait dehors, les pas mal assurés, et rencontrait… la pluie. Pour la première fois de sa vie. Elle avait un sourire incroyable. Et elle ne pouvait pas s’arrêter de rire, le rire le plus émerveillé et surpris qu’on puisse imaginer. Elle tendait la main, se laissait caresser par les gouttes… Elle en dansait de joie.

Le monde naturel bouge. Il bouge sans cesse. Mais de manière très, très lente. La croissance des plantes, le passage des nuages, la caresse du vent, le mouvement des étoiles, tout cela reste solennel, souterrain, presque invisible. L’eau, elle, incarne la vie visible, en abondance, le mouvement, la fluidité, l’écoulement, la circulation vivante de Dieu dans le monde. Digestion infinie de la mer, grelottis d’un torrent, jet d’eau fraîche sortie du robinet… Et la pluie. L’immense voûte mystérieuse au-dessus de nous, voilà qu’elle s’ouvre, et qu’elle lâche des myriades de perles. Toutes parallèles, toutes uniques, toutes différentes.

Image de la verticalité, la pluie peut également devenir image de l’horizontalité. C’est une marque d’égalité absolue : il pleut sur le bon comme sur le méchant. C’est l’image des grâces de Dieu qui sont égales pour tous, et bonnes pour tous. C’est un rappel de la générosité et de la fécondité divines : “ comme la pluie et la neige descendent des cieux, et n’y retournent pas sans avoir arrosé, fécondé la terre, et fait germer les plantes, sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui mange, / Ainsi en est-il de ma parole, qui sort de ma bouche : elle ne retourne point à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté et accompli mes desseins.” (Isaïe 55, 10-11).

En ces temps d’automne pluvieux, il faudrait pouvoir accueillir la pluie comme une bénédiction. Matérielle tout d’abord : sans elle pas de vie. Mais aussi spirituelle : un renouvellement des promesses de notre baptême. L’eau qui coule rappelle celle, sacramentelle, par lequel le Christ a été baptisé. Quand on est pris sous la pluie, quand on est arrosé de centaines de petites gouttes, plutôt que de rouspéter, il faudrait pouvoir penser que le Ciel s’ouvre, la colombe de l’Esprit Saint descende sur nous, et qu’une voix dise : “ Voici mon fils bien-aimé! ” (Matthieu 11, 17).

Et quand il pleut, nous pouvons prendre un moment, et nous écrier dans la joie, à la suite de Saint-François dans son Cantique des Créatures :

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour sœur Eau
qui est très utile et très humble
précieuse et chaste.”

Ludovic K.

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